Le principal : administrer des médicaments 💊et attendre qu'ils fassent effet. " Il faut attendre deux à trois semaines pour connaître leurs effets sur vous" m'a t-on dit. En attendant, rien, le néant, le peu de choses où pas grand chose. On vaque à des occupations , on baque dans le petit bain comme s'il s'agissait d'une piscine olympique. File d'attente pour les médicaments, file d'attente pour les repas. Les mêmes rituels avec " c'est à qui le tour ?". On pourra pas tous entrer en même temps. Les files d'attente s'amenuisent au fur et à mesure des réveils et des levers. Pour les lève-tôt , les...
Carole et Marcelle s'amusent à broder des mots fléchés en regardant un jeu debilitant sur la deuxième chaîne. Le temps de cerveau disponible est aussi de ce côté du poste de télévision. Ceux qui restent en circuits fermés peuvent enfin profiter tranquillement du patio et jouer de l'allume-cigarette. Ici, le temps passe. On s'ennuie, on comble le vide de vies stériles en attente d'ailleurs ou d'autres choses. Difficile de se dessiner un projet dans ces conditions, de se destiner à quoi que ce soit quand on n'a aucune légitimité à quoi que soit. Pendant ce temps-là, les transmissions se déroulent...
Marie-Petronille à un cancer de la peau qu'elle doit faire soigner. C'est programmé en août Elle continue à broder pour passer le temps et fait don de ses réalisations à tout son entourage. Infirmières, patientes, tout le monde profite de ses petits talents de brodeuse. Sa main file sur l'ouvrage comme une guêpe s'agite à une boutonnière. Précision de l'aiguille, précision de l'épée. Elle ne se plaint pas, joue aux jeux de société. On sent les nerfs en pilote prêts à lâcher mais elle se maîtriser et se retenir. Fille trop sage et trop bien élevée. Elle brodé un bouquet de fleurs jaunes qui restera...
Le kiosque à musique est sale et semble peu fréquenté. Ils pourraient faire sonner hautbois et trompettes ce soir pour le solstice d'été. Il n'en sera rien. En attendant, on joue du pipeau un peu partout pour avoir son petit instant de tranquillité et d'apaisement après des semaines et des mois d'incertitudes liées à l'épidémie qui est encore devant nous. A chacun ses petites lâchetés. Le papillon citron s'en donne à cœur joie au-dessus des pâquerettes et des trèfles et ne sait plus où donner de la tête. Il virevolte, il batifole, ce sont ses derniers instants avant d'aller pondre ses œufs quelque...
Dans le patio, ça discute entre les bancs, sur les chaises parmi les exotiques pour amorcer des petits trafics. A l'entrée, un handicapé moteur en fauteuil roulant me demande si je n'ai pas de la beuh. Ben non. Déception de sa part avant de repartir sportivement vers d'autres yeux hagards. Un chemin, un sous-bois en pente, nouveau lieu de rencontres pour ceux qui cherchent un coin d'herbe, un peu hors du temps, mais aussi à portée du bruit incessant du flux des véhicules de l'océane. Ça sent bon le sous-bois, le champignon et autres végétaux en décomposition. Un endroit charmant, qui protège de...
Pendant ce temps, Marie-Petronille brode dans la salle tv, Marcelle attend la visite de son mari, Viviane attend une visite qui lui permettra de confier son linge sale et Roberto attend, comme tous les jours, en ne disant rien. Histoires sans paroles même pas interrompues par les flots de discours à la tv. Seul le fumeur qui souhaite allumer sa cigarette dans le fumoir du patio pourrait perturber ce petit monde. Il n'est pas 14h30, les siestes sont faites, et tout le monde semble encore assoupi. Viviane serre le sac à linge sale entre ses jambes, le sac à dos sur son dos en attendant de se précipiter...
Dans le patio, le fumoir semi exotique de l'hôpital psychiatrique, les plus desargentes et les plus en manque fabriquent des cigarettes avec une simple feuille d'OCB et vont à la recherche des miettes de tabac sous les bancs, dans les cendriers, pour s'allumer une cibiche sur le briquet de fortune. Les accrocs du tabac rappliquent dès les premiers souffles pour avoir une bouffée du premier sésame vers les toussottements et les insuffisances respiratoires.
Ils sont à deux sur une seule cigarette. Un juste partage contre un gâteau au chocolat ou une barre d'Ovomaltine. Si le contrat est rompu, Valérie hurle contre Moudi. Ils font moitié-moitié dans une alliance de non abstinence à la cigarette. Ça tousse, ça crapotte, ça chipote et ça se cajole un peu avant de passer aux médicaments et au réfectoire. Laura, elle, est entre rêve fané et réalité. Mi-eveillee, mi endormie, elle traîne avec elle son look de rockeuse des années 80, avec le poids des années sui s'enfuit sur les épaules. Elle fait de petits pas trainants, la tête courbée, en attendant que...
Le kiosque à musique est ouvert à l'arrière, caché derrière le bâtiment de l'asile. Il est ouvert sur un triangle isocèle. Pas de chances pour que les gens affluent en grand nombre écouter, debout, les frontons de la guitare électrique. Solstice d'été. Les jours raccourcissent et je ne les ai pas vus passer. Le lierre monte sur le bâtiment en bois. Bois, verre, aluminium, béton. Les indispensables de l'architecture pratique contemporaine.ďes années 2000. Patios avec palmiers de Chine et plantes vernaculaires, petits chemins de bosquets avec espèces indigènes. Un peu d'exotisme pour une flore qui...
Les visites se sont enchaînées dans un petit parloir le premier tour des élections départementales et régionales. Pas le droit de vote ici. Ta voix ne compte pas. No vote Land. Et la vie reprend comme si de rien n'était. Alors que l'on sait tous ce qu'il va advenir devant tant de soumissions et de compromissions. Les cachets, les petites pilules pour ne pas craquer. Personne pour écouter les états de l'âme qui ne sait même plus à qui se confier. Corps médical trop médicalisé et deshumanise à force de ne pas comprendre ce qui peut bien se passer dans la tête des gens. Êtres en panne d'essences qui...
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