Ca tape
Des petites boîtes chinoises se réveillent. Elles allument des feux follets, font clignoter des signaux de détresse. Elles dispersent l’héritage bâti sur des fondations sans véritable construction. Elles sont les héritières d’un mariage forcé, de l’union d’un homme et d’une femme mariés sous la contrainte, par la force d’un ventre qui s’arrondit. Elles tapent des mains, donnent des coups de fil, écrivent des e-mails en tapant sur les mauvais sujets. Les nœuds de vipère se reforment, renouent en allumant des contre-feux. On tape, on tape, on tape. Les signaux de détresse sont biaisés, on a déjà tout amassé, mais on n’en a pas encore assez. Il faut liquider ce qui reste de la maisonnée, une bâtisse des années 50 qui a pris l’eau et dont les murs suintent le moisi. Il reste les fondations, l’assainissement est à refaire. Le petit jardin, à l’arrière, autrefois rempli de fleurs et investi d’une mare, n’est devenu qu’un terrain de ronces, de petits bois qui prennent de la vigueur. Tout est en friche. On s’investit pour vendre cette maison qui ne séduit plus personne. Elle n’est plus aux goûts du jour, avec ses escaliers, ses descentes et ses montées. Il y a les dépendances, que l’on vend aux voisins pour récolter un petit butin. On compte ses petits sous acquis uniquement avec un héritage mal ficelé. La concorde des héritières n’a jamais été d’actualité. On pleure le frère. Larmes de crocodile devant la chronique d’une mort annoncée. Il s’est fait de la bile et le foie a été attaqué par des métastases qui se sont répandues dans tout l’organisme. Il n’avait plus de pavillon auquel s’arrimer. Frère en déshérence pris dans l’œil de la cyclope. Elle vacille, devient chancelante pour s’éteindre dans l’indifférence générale. Son cœur a lâché à coup de surtension électrique. On pleure la morte dans une petite église. On ne comprend pas le prêtre qui évangélise les infidèles, on loue ses talents de cuisinière sur l’autel, on allume des cierges en ne croyant à rien. C’est le rite par lequel il faut passer tout en restant athée. Profanes des croyances, médisances et mises au ban. On rassemble l’héritage, on fait les comptes, on se distribue les petites vieilleries pour le petit théâtre de la bascule qui fait du culbuto. Oui oui, non non. On ne comprend plus rien en se mettant d’accord. On est raccords. D’une petite principauté des Pyrénées, du petit village des collines du Perche ou de la ville aux mille visages et multiples couleurs aux petits pavillons bien ordonnés, on échange, on s’échange, on se fait une petite vie bien rangée dans de petites soupes qui sentent le bouillon Kubb. C’est le moment de gloire des héritières, des petites lutines qui s’ingénient à ne rien laisser filer. Tout est bien accumulé et redistribué. Passage du camion-benne qui emmènera le reste dans les ressourceries. Les hommes sont forts en thèmes, les femmes sont fortes dans le bon tempo. On ne veut pas perdre de temps et ne pas lâcher une seule miette. Les petites boîtes chinoises continuent à avoir du cœur à l’ouvrage en répandant le fiel autour d’elles. Fiel des infidèles qui veulent attraper la gogole avec d’obsolètes globes de mariée vides des clichés qui portaient le témoignage de vies passées. Tout est déjà pris et bien redistribué. La gogole ne veut rien, elle ne demande rien et essaie d’échapper aux pipis-cacas des grosses merdeuses. Des emmerdeuses de premier ordre qui savent se tenir en société avec la classe qu’on leur reconnaît. Les « c’est moi qu’on préfère » distribuent les bons ou les mauvais points, donnent des comptes, font bien leurs petits comptes en amassant des petits billets. Le manteau de fourrure de la m’a-tu-vue est vendu. Une veste de vison pour femmes qui portent des gaines depuis les années 50 afin d’affiner une silhouette qui s’épaissit au fur et à mesure des années à force de bonnes tambouilles et de bons petits plats. Une vraie saucière, un maître-queue la dame Jeanne qui raffole des gaufres qu’elle donne à manger à la maisonnée. Un bon gigot flageolet, et tout est ficelé. Les liseuses s’accrochent aux murs et on met des gouttes de gnôle dans le pousse-café. Il y a des Isabelle Adjani, des Joëlle d’Il était une fois, des Pauline Carton et de sales gosses qui font tourner les vieilles en bourrique. Des ouistitis et ceux qui se cachent pour aller mourir ailleurs. On a les héritiers et la descendance qu’on mérite dans une méritocratie acquise à force de filouteries, de vols et de petites rapines. On peut faire de grands voyages dans des courriers au long cours. L’exotisme et les îles paradisiaques sont en effet du meilleur goût pour y planter ses petits parasols dans le soleil couchant. Luxuriance, montagnes noires, Mont Pelé dans la piété des voyageurs en bandes organisées comme de joyeux petits retraités. On amasse, on profite et on dilapide un peu sans perdre de vue son petit porte-monnaie. La guerre d’Algérie au service des postes et des télégraphes sont de l’ordre du passé. On a presque tout oublié dans un œil aveuglé en jouant au tir à la carabine afin de gagner la grosse poupée espagnole pour les petites filles avides de jouets. On donne des pistolets à eau aux petits garçons pour qu’ils puissent jouer du bazooka dans les stades de foot une fois devenus grands. Et un, et deux, et trois zéros. Bleu, blanc, rouge. Black, blanc, beur contre les Cariocas du Rio Bravo. En Afrique, on est partis dans la savane chasser les éléphants pendant que les petits nez meurent sous les machettes des gros nez. A Tombouctou, à cinquante-deux jours à dos de chameau des portes du Sahara, on a le blues de ses racines. Afghanistan, Pakistan sont les foyers du désordre organisé. Petites filles bafouées et femmes voilées aux mille charmes. C’est la danse des sept voiles. On prend le large dans des voiliers ou des goélettes qui vous emmènent le cœur au bout du monde, dès la fin d’un monde. Voyage en Russie, de Moscou à Saint-Pétersbourg. Folklore en balalaïka, roubles troubles, le café Pouchkine est rouvert et les dômes des églises ressemblent à ceux du club Disney. On se déchire, on s’atomise, on s’éparpille et on fatigue dieu le père, usé par une vie de labeur avec sa matrone au petit cœur. Les ballets russes sont à feu couvert. On a mal aux pieds à force de marcher et de découvrir de grandes villes aux alphabets cyrilliques. Orthodoxes pas très orthodoxes. Tentes de bédouins plantées dans les allées gravillonnées de l’Elysée. Papa est décédé. Retour au bercail dans la précipitation, de nouveau l’énucléation après un premier petit vol sur une petite vue sans hauteur. On a du mal à parler. On bafouille, on crapote, on chipote. Mieux vaut se taire pour ne pas éclabousser la petite vieille qui embrouille la vue des petits et des aînés. Veuve désormais dans sa grande bâtisse. Le nid est déserté. Il ne reste que la petite gogole à venir faire ses petites visites pour écouter la grosse cagole aux transports mal assurés. Les bourses montent et baissent. C’est la crise et les banques sont en faillite. On renfloue des caisses sur des crédits avec des lignes qui ne sont pas fléchées. Recettes, débits. Bonus, malus. Tout s’achète à force de crédits. On perd sa santé. On débite les bois, on tond des prés, on replante des essences non désirées. Ça chauffe là-dessous. On vit dans les vapeurs des alcools qui font dormir pour oublier ces nuits si confuses et agitées à force d’abus et de luxures mal placées et déviées. La proie était facile, et on trace la trajectoire pour celle qui fait partie de la majorité silencieuse. Pas de commentaire. On commence quand même à s’étriller sur des toiles qui vont devenir des réseaux sociaux et asociaux. De nouvelles formes de discordes en forme de télégrammes, de messages codés entre initiés. Toujours la force de l’image, celle des marques qui se jouent des codes pour plus de petit luxe, de faux calme et de minces voluptés. Les Miss Trous du cul du monde jouent les reines de beauté. On est dans le merde in land. On veut des piscines, on transplante des oliviers et les palmiers ne sont plus datés. Il y a les héritiers, les nouveaux riches et les toujours pauvres. De la Méditerranée à l’Asie, du moyen-orient aux portes des Etats-Unis, de Vladivostok à l’entrée de l’Europe en Turquie. A chacun sa petite chapelle, son petit sentier, sur de grandes destinées ou des itinéraires bis qui mènent parfois dans des impasses. Il ne reste plus que de vieilles carcasses aux déhanchés en plastique. Les océans sont des blés de particules pas très raffinées. Certains prennent la kalachnikov, d’autres la tangente pour ne pas être atomisés par l’œil de la cyclope éclopée. Les esprits s’échauffent, le climat est délétère et se perd dans les éthers et les tubes à essais. On ne peut pas porter toute la misère du monde, mais la misère se porte bien. C’est là qu’on y fait ses petits marchés, ses petits bizness avec des masques ou des micros parfois mal tendus. On fait le trottoir pour récolter des petites paroles sans importance qui ne font que combler le silence assourdissant d’un vide généralisé. Pirates et zinzineries venues de l’espace-temps, direction la planète rouge, incandescente, inhospitalière. On s’invente des chimères, on arrache ses rêves aux portes déchiquetées par l’ennui d’une vie monotone, faite de rites et de routines. Petits passages obligés avant, peut-être, de petites ou grandes tournées. C’est selon l’air du temps, dans le sens du vent et sous un soleil qui s’acharne à darder ses rayons de plus en plus chauds. On étouffe, on suffoque, on a soif mais on n’a plus d’appétit. On continue quand même de bouffer. Ça dépend du porte-monnaie. Petites ou grosses bouffes de malbouffe vite baffrées et régurgitées. C’est désormais dans les robots connectés qu’on fait les meilleures sousoupes pour faire plaisir à son petit coffret. Ça coûte un bras, les bras qui manquent à récolter les fruits de cultures empoisonnées. Il y a trop de gazole et plus de pétrole dans les idées. Les cagoles continuent à s’afficher sur tous les écrans, faisant son lit dans les crasses ignorances de télés sans réalités aux écrans de fumée. On végète dans les maisons de retraite, on patiente dans les cliniques et on meurt dans des hôpitaux mal équipés. Mal soignés. Tout est biaisé. Les caisses sont vides mais certaines poches sont quand même bien pleines. Il y a des coffres quelque part, des coffres forts qui remontent le temps des déchéances généralisées. On prend soin du moi sans prendre soin de soi. Ego trips bien dimensionnés, bien calibrés, en faisant la réclame de Jean le Mineur sur un petit pipeau en mode Majeur. On met des masques et on perd sa face. Tout n’est qu’une grosse farce pour les grosses carpes qui sortent désormais des baignoires. Elles sont en no kill dans les étangs. Des gros amours blancs en forme de miroirs qui se reflètent dans les petits objectifs des smartphones dont les filtres donnent quelques avantages à être postées sur des murs en ligne. Plus de flash. La lune brille pour tout le monde le soir dans le noir, quand il n’y a aucun nuage, quand on n’oublie pas de la regarder. On s’endort avec des petits doudous, des petits canards en becs de lièvres. Les chats chats ronronnent, les chiens chiens aboient et les caravanes continuent de passer, même pour les sédentarisés. Nous sommes tous les nomades d’un temps passé par les mixités. Quelques consanguinités assurées. Quelques lourdes hérédités. Des légèretés à retrouver pour s’offrir un nouveau temps. Moins de new age, moins de vagues sur laquelle surfer. La mer est de plus en plus démontée et rompt des digues séculaires en érodant les dunes. On est dans les lisières des forêts qui n’ont rien de champêtre. On exploite un bois dont on a moins besoin pour planter les cannes des héritiers. On détruit des faunes et des flores sauvages pour ensauvager l’humanité. Les mutants sont désormais bien placés pour continuer à tourner au-dessus des orbites. Orbites pour éblouir quelques exorbités éblouis par une prouesse technologique vécue à la vitesse de la lumière. Toute une construction, une science qui n’est après tout qu’humaine. On pèse au grain ou à l’ivraie, on mesure au pouce ou au pied, on sème ses petits cailloux ou des petites graines qui vont germer pour nourrir bipèdes et quadrupèdes. Un peu plus de nature et un peu de culture pour que les espèces puissent continuer à s’essaimer dans la grande diversité des humanités. Mais Miss Monde est dans la place. Elle porte sa tiare de pacotille et fait la réclame pour ceux qui veulent se damner pour elle. Une queen pas très clean. Une orthodoxe pas très orthodoxe qui caresse ses petits chats en attendant un vent très favorable, une houle ou un beau mistral qui amènera avec elle quelques tempêtes qui feront déborder plus d’un verre d’eau. Elle attend, elle n’a plus qu’à tendre la main pour continuer à récolter les oboles des mendiants qui font la quête pour elle. Des cagnottes en ligne pour de petites ou grosses parts d’un Camembert au bon lait cru du made in Normandy. Les vaches qui pissent le lait pâturent dans les prés ou dans de grosses stabulations. Qu’importe pourvu que les empires continuent à prospérer sur les misères du monde entier. Des volcans éteints crachent leurs cendres et font couler des laves dans les geysers des insulaires proches des glaciers qui fondent. Ça chauffe là-dessous, dans les caboches des petits mioches qui donnent des miettes aux canards aux bords des rivières et gonflent des estomacs inutilement. On gave, on se gave, et on continue à grever la dalle. On fait supporter des emprunts à des générations qui n’ont plus rien de spontané dans l’artificialité des artefacts. Ampoules à led basse consommation et mises en lumières pour attrape-couillons. Ce sont les fées des logis qui l’ont dit. C’est beau, ça fait rêver et ça mange beaucoup de pain. Les Play sont des mobiles sur lesquels on appuie pour former des petites cohortes de suiveurs. On ne perd pas de trace, c’est inscrit dans les banques de données qui artificialisent encore plus des terres arables. Tout ceci pour un instant ou une éternité. Qui pourra ou voudra le dire à de futures générations ? Tout est sous contrôle au son de la voix en reconnaissance faciale. Le tout peut-être sans escale. On s’amarre à des ports, on s’ancre dans des marinas, on plante son drapeau sur des planètes exonérées d’impôts. Il existe encore des prés où le vert domine à côté de champs de blé. Les génisses paissent dans ce vert tendre au milieu des boutons d’or. Elles mangent, elles ruminent pour les carnivores. La rivière continue de couler. Elle suit son petit cours pour rejoindre le fleuve qui alimentera l’océan ou les petites mers. Les poissons argentés se reflètent dans de petits ruisseaux, aux sources des fontaines qui poursuivent leur cours de la terre pour se couler dans le lit de la rivière. Il s’y cache peut-être de petites pièces de monnaie du pape, des petites herbes aux écus aux faces de lune avec lesquelles on pourra préparer un petit thé, une dînette pour les oiseaux qui continueront à en raffoler et à semer des petites graines dans les terrains ou les jardins fertiles et bien équilibrés. Des petites fleurs pourpres qui se transforment en capsules et se sèment aussi d’elles-mêmes quand elles suivent le vent qui les pousse à se multiplier dans la mi-ombre d’un soleil trop lumineux pour être très éclairant. Des petits écus nacrés en forme de lune qui s’enracinent dans des jardins privés ou sur des chemins où les abbesses ont laissé les traces de leur passage avant de s’effacer, aux côtés des ruines-de-rome, de petites consoudes qui puisent leurs racines dans les sentiers pour réparer les fractures et panser des plaies. Des petites consoudes pour qu’on se ressoude, se tenir debout et cultiver des nourritures terrestres sans perdre une miette de ses impressions. Aujourd’hui, c’est la fête des mères. J’offre à ma mère un petit bouquet des fleurs de son cimetière. Je le dépose sur sa petite table basse où se dépose un peu de poussière, celle du temps qui passe et qui fait trépasser dans les outrages d’un temps qu’elle pourra irrévocablement épingler à sa petite boutonnière dans le berceau de sa bonbonnière. Je m’en vais, m’éclipse et pars vers des terres plus nourricières, sources de richesses et de réelles profondeurs, sans tomber dans l’abysse des baisers mal placés et des trajectoires déviées. Je pense à toutes les petites pommes tombées elles aussi alors qu’es n’étaient pas mûres, pour qu’elles ne s’oublient pas, et qu’elles ne manquent pas une miette de quelques nourritures terrestres plus substantielles qu’un lait maternel qui a très vite tourné, qui s’est caillé et qui s’est asséché dans les limbes de nombrils trop béants. Je suis allée prendre une douche. La petite bête s’était accrochée aux parois. Elle a été évacuée en tombant dans le siphon à la seule force de l’eau qui la fait couler. J’ai franchi le ruisseau qui ne me mènera pas à la ruinée et ne prends pas le champ miné de problèmes qui ne m’appartiennent pas.